Le paradigme positiviste en sciences de gestion se concentre sur la recherche de lois générales et de relations causales à travers des méthodes quantitatives. Ce paradigme repose sur l’idée que la connaissance est objective et qu’elle peut être obtenue par l’observation et l’expérimentation.

Les principales caractéristiques du paradigme positiviste en recherche en sciences de gestion sont les suivantes :

  • Ontologie réaliste : la réalité est objective et existe indépendamment de l’observateur.
  • Epistemologie objectiviste : la connaissance est objective et peut être obtenue par l’observation et l’expérimentation.
  • Méthodologie quantitative : les méthodes quantitatives, telles que les enquêtes, les expériences et les analyses statistiques, sont privilégiées.

Les chercheurs positivistes en sciences de gestion s’efforcent de produire des connaissances qui soient générales, fiables et reproductibles. Ils s’intéressent notamment aux relations causales entre les variables, et ils utilisent des méthodes quantitatives pour tester leurs hypothèses.

Popper : La falsifiabilité et l’empirisme

Les travaux de Karl Popper (1902 – 1994), notamment dans “La Logique de la découverte scientifique” (1934), soulignent l’importance de la falsifiabilité et de l’empirisme. En gestion, cela se traduit souvent par des enquêtes à grande échelle ou des expériences contrôlées pour tester des hypothèses préétablies. Par exemple, un chercheur pourrait utiliser des analyses statistiques pour examiner l’effet de la motivation sur la productivité des employés, en cherchant à établir une relation de cause à effet objective.

La falsifiabilité

La falsifiabilité est un critère de scientificité proposé par Popper. Il stipule qu’une théorie scientifique est dite scientifique si elle est susceptible d’être réfutée par une expérience. Une théorie qui ne peut pas être réfutée n’est pas scientifique, car elle est infalsifiable.

Popper a développé ce concept en réaction au positivisme logique, qui soutenait que la science repose sur la vérification des hypothèses. Popper a critiqué cette approche, car il estime qu’il est impossible de vérifier définitivement une hypothèse. En effet, il est toujours possible que des observations futures contredisent une hypothèse qui a été vérifiée par le passé.

La falsifiabilité permet de distinguer les théories scientifiques des théories métaphysiques. Une théorie métaphysique est une théorie qui ne peut pas être réfutée par une expérience. Par exemple, la théorie de l’existence de Dieu est une théorie métaphysique, car il est impossible de prouver ou d’infirmer l’existence de Dieu par une expérience.

L’empirisme

Popper est également un empiriste. L’empirisme est une doctrine philosophique qui affirme que la connaissance est fondée sur l’expérience. Popper estime que les théories scientifiques doivent être fondées sur des observations empiriques.

Cependant, Popper distingue l’empirisme de la vérification. Pour Popper, l’empirisme ne consiste pas à vérifier des hypothèses, mais à les tester. Un test d’hypothèse est une expérience qui peut potentiellement réfuter l’hypothèse.

Popper a développé un critère de testabilité, qui stipule qu’une hypothèse est dite testable si elle est susceptible d’être testée par une expérience. Une hypothèse qui n’est pas testable n’est pas scientifique, car elle ne peut pas être soumise à l’épreuve de l’expérience.

Ainsi, selon Popper, pour qu’une hypothèse soit testable, elle doit remplir deux conditions :

  • Elle doit être falsifiable. Cela signifie qu’il doit être possible de formuler une observation qui, si elle est réalisée, réfute l’hypothèse.
  • Elle doit être empiriquement testable. Cela signifie qu’il doit être possible de réaliser l’observation qui réfute l’hypothèse.

Exemples de théories falsifiables et infalsifiables

Voici quelques exemples de théories scientifiques qui sont falsifiables :

  • La théorie de la relativité générale d’Albert Einstein prédit que la lumière est courbée par la gravité. Cette prédiction a été testée par des observations astronomiques, qui ont confirmé la théorie.
  • La théorie de l’évolution de Charles Darwin prédit que les espèces évoluent par sélection naturelle. Cette prédiction a été testée par de nombreuses observations, qui ont apporté un fort soutien à la théorie.

Voici quelques exemples de théories métaphysiques qui sont infalsifiables :

  • L’hypothèse selon laquelle Dieu existe est non testable. En effet, il est impossible de formuler une observation qui, si elle est réalisée, réfute l’hypothèse. Si l’on observe un monde dans lequel il n’y a pas de Dieu, cela ne prouve pas que Dieu n’existe pas. Il est toujours possible que Dieu existe, mais qu’il choisisse de ne pas se manifester.
  • L’hypothèse selon laquelle le monde est parfait est non testable. En effet, il est impossible de réaliser une observation qui, si elle est réalisée, réfute l’hypothèse. Si l’on observe un monde dans lequel il y a des défauts, cela ne prouve pas que le monde n’est pas parfait. Il est toujours possible que le monde soit parfait, mais qu’il y ait des défauts apparents qui ne sont pas en réalité des défauts.
  • La théorie de l’âme est une théorie métaphysique, car il est impossible de prouver ou d’infirmer l’existence de l’âme par une expérience.

Critères de testabilité plus complexes

Le critère de testabilité de Popper est un critère simple, mais il peut être difficile à appliquer dans certains cas. Par exemple, il est parfois difficile de formuler une observation qui réfute une hypothèse. Dans ce cas, il peut être nécessaire de recourir à des critères de testabilité plus complexes.

Un exemple de critère de testabilité plus complexe est le critère de Popper-Lakatos. Ce critère est une extension du critère de falsifiabilité de Karl Popper. Il ajoute une condition supplémentaire au critère de Popper : la réfutation de l’hypothèse doit conduire à une amélioration de la théorie.

En d’autres termes, une hypothèse est dite scientifique selon le critère de Popper-Lakatos si elle est susceptible d’être réfutée par une expérience, et si la réfutation de l’hypothèse conduit à une modification de la théorie qui la rend plus proche de la vérité.

Exemple

L’hypothèse selon laquelle la lumière se déplace à une vitesse constante est testable selon le critère de Popper-Lakatos. En effet, si l’on observe que la lumière se déplace à une vitesse différente de celle prévue par la théorie, cela conduit à améliorer la théorie en supposant que la vitesse de la lumière n’est pas constante.

Critères de Popper-Lakatos et de Popper

Les critères de Popper et de Popper-Lakatos sont tous deux des critères de scientificité qui reposent sur la falsifiabilité. Cependant, le critère de Popper-Lakatos est plus exigeant que le critère de Popper, car il exige que la réfutation de l’hypothèse conduise à une amélioration de la théorie.

Conséquences

Le critère de Popper-Lakatos a des implications importantes pour la science. Il signifie que les théories scientifiques ne sont jamais définitivement établies. Elles sont toujours susceptibles d’être réfutées par de nouvelles observations.

Cependant, le critère de Popper-Lakatos permet également de distinguer les théories scientifiques des théories métaphysiques. Les théories scientifiques sont susceptibles d’être réfutées et améliorées, tandis que les théories métaphysiques ne le sont pas.

Critiques

Le critère de Popper-Lakatos a été critiqué pour être trop exigeant. Il est parfois difficile de trouver des modifications à une théorie qui la rendent plus proche de la vérité.

Cependant, le critère de Popper-Lakatos reste un critère de scientificité important. Il permet de distinguer les théories scientifiques des théories métaphysiques et de favoriser le progrès de la science.

Les méthodes de recherche du paradigme positiviste

Le paradigme positiviste en sciences de gestion se caractérise par son accent sur l’objectivité, la mesure, et la recherche de lois générales. Les méthodes utilisées dans ce paradigme visent à quantifier les phénomènes et à établir des relations de cause à effet. Voici quelques méthodes clés associées au paradigme positiviste :

  1. Enquêtes et Questionnaires : Cette méthode implique la collecte de données quantitatives à travers des questionnaires structurés. Les enquêtes peuvent être distribuées à grande échelle pour obtenir des données représentatives. Elles sont souvent utilisées pour mesurer les attitudes, les opinions ou les comportements des individus dans un contexte organisationnel.
  2. Analyse Statistique : Les données recueillies sont analysées à l’aide de techniques statistiques pour identifier des tendances, tester des hypothèses, et évaluer des relations entre variables. Les méthodes statistiques peuvent inclure des analyses descriptives, inférentielles, de régression, de corrélation, ou des tests de signification.
  3. Expérimentation : Cette méthode consiste à manipuler une ou plusieurs variables indépendantes pour observer les effets sur une variable dépendante dans un environnement contrôlé. L’expérimentation permet de tester des hypothèses causales et est souvent utilisée dans la recherche en comportement organisationnel et en prise de décision.
  4. Modélisation et Simulation : La modélisation mathématique et la simulation sont utilisées pour représenter des systèmes organisationnels ou des processus de décision. Ces modèles permettent d’explorer des scénarios hypothétiques et d’analyser l’impact de différents facteurs sur les résultats organisationnels.
  5. Analyse Économétrique : Utilisée pour analyser des données économiques et financières, l’analyse économétrique combine des techniques statistiques avec des théories économiques pour tester des hypothèses et estimer des relations causales.
  6. Analyse de Données Secondaires : Cette méthode implique l’utilisation de données déjà collectées pour d’autres fins, comme les données financières, les rapports annuels des entreprises, ou les données de performance. L’analyse de ces données peut fournir des insights sur des tendances et des patterns dans le domaine de la gestion.
  7. Méthodes Longitudinales : Les études longitudinales suivent les mêmes individus ou entités organisationnelles sur une période prolongée. Cette approche permet de comprendre les dynamiques temporelles et les changements au sein des organisations.
  8. Benchmarking et Comparaisons Inter-Organisations : Cette méthode implique de comparer les pratiques, les processus, ou les performances d’une organisation avec celles des leaders du secteur ou des concurrents, dans le but d’identifier des meilleures pratiques et des opportunités d’amélioration.

En sciences de gestion, le paradigme positiviste avec son accent sur la quantification et l’objectivité est particulièrement adapté pour tester des théories, évaluer l’efficacité des politiques organisationnelles, et prendre des décisions basées sur des données. Ces méthodes permettent aux chercheurs et aux praticiens de développer une compréhension empirique des phénomènes organisationnels, en fournissant des données mesurables et vérifiables.

Exemple de plan

Un travail de recherche en sciences de gestion consiste à répondre à une question managériale en mettant en œuvre une démarche de recherche rigoureuse. Voici la proposition d’un plan applicable à tout travail mobilisant une approche positiviste :

Introduction

            Contexte managérial (titre à ne pas faire apparaître dans le plan ou dans le document) :

L’introduction débute par la présentation d’une situation concrète qui va susciter des interrogations. Les revues professionnelles constituent le support essentiel pour la recherche d’informations à cette étape du travail. Les articles de journaux, études sectorielles issues de ministères, de cabinets d’études peuvent aussi être utilisées.

Question de recherche (titre à ne pas faire apparaître dans le plan ou dans le document) :

Cette question est identifiée suite à une analyse critique de la situation managériale qui fait surgir une interrogation formulée dans le langage d’un non spécialiste.

Point sur la littérature scientifique (titre à ne pas faire apparaître dans le plan ou dans le document) :

Cette section présente un rapide état de l’art des travaux scientifiques qui permettent d’éclairer la question de recherche.

Problématique (titre à ne pas faire apparaître dans le plan ou dans le document) :

L’examen critique de l’état de l’art permet de dégager une problématique à laquelle il faudra répondre en mettant en œuvre une démarche de recherche rigoureuse. Parmi les problématiques les plus « classiques », on trouve :

  • Quels sont les déterminants (ou antécédents) de …
  • Quelles sont les conséquences de…

Ici, il s’agit d’identifier les variables explicatives (Xn) qui influencent un ou plusieurs (Y)

Objectifs :

Présenter les objectifs qui sont attribués à la résolution de la problématique. A quoi va servir ce travail ?

Annonce du plan (titre à ne pas faire apparaître dans le plan ou dans le document) :

Cette section conclue l’introduction en présentant brièvement chacune des étapes qui constituent le travail réalisé.

Chapitre 1 – Revue de littérature

La revue de littérature est construite à partir de la littérature scientifique. Dans une première section, on s’intéresse à la ou aux variable(s) à expliquer (Y) puis, dans une seconde, aux variables explicatives (Xn).

Chapitre 2 – Hypothèses et modèle de recherche

La revue de littérature a permis d’identifier les variables susceptibles de répondre à la problématique. Il convient maintenant de formuler les liens potentiels entre les deux. Les hypothèses sont construites en faisant le lien entre chaque X et le ou les Y.

Attention à s’assurer que les hypothèses soient « réfutables » (Popper). La formulation des hypothèses doit permettre de ne pas les valider suite à l’expérimentation.

Une hypothèse est généralement formulée comme suit :

  • La variable X influence positivement la variable Y

Une fois toutes les hypothèses formulées, il est possible de les représenter sous forme graphique pour construire le modèle théorique.

Chapitre 3 -Méthodologie

La méthodologie est constituée de l’ensemble des méthodes utilisées pour tester les hypothèses formulées.

Dans le cadre d’une approche quantitative, il faudra identifier dans la littérature scientifique, les échelles de mesure susceptibles d’être utilisées pour mesurer chaque concept du modèle à tester. Le questionnaire sera construit à partir de ces mesures.

Attention, l’objectif d’un travail de recherche n’est pas de valider les hypothèses mais de les mettre à l’épreuve du « réel ».

Cette partie présentera l’échantillon, les confirmations des validités et fiabilités des mesures utilisées ainsi que les méthodes utilisées pour tester les hypothèses (régression, analyse de variance…).

Chapitre 4 -Résultats

Il s’agit ici de présenter les résultats obtenus sans les analyser.

Chapitre 5 -Discussions, apports, limites et voies de recherche

La discussion des résultats consiste à identifier les points communs entre les résultats obtenus et ceux attendus en confrontant ceux-ci à ceux présents dans la littérature qui a permis la construction des hypothèses. Certains résultats seront conformes à ceux identifiés dans les recherches antérieures et d’autres non. Il s’agit ici de discuter les raisons qui peuvent expliquer ces correspondances ou ces différences.

Les apports se distinguent en :

  • Apports théoriques : quels sont les contributions de votre travail en termes d’amélioration de la compréhension du phénomène étudié.
  • Apports méthodologiques : quelles sont les spécificités de la méthode utilisée pour tester les hypothèses ? En quoi la méthodologie utilisée est-elle originale ?
  • Apports managériaux : quelles sont les conséquences des résultats obtenus pour les entreprises ou managers ? quelles sont les solutions concrètes que vous apportez ?

Comme tout travail, celui que vous avait réalisé présente des limites mais aussi des voies de recherche qu’il convient de détailler.

Parmi les limites, on retrouve par exemple la taille limitée de l’échantillon qui ne permet pas de généraliser les résultats ou l’application à un secteur d’activité particulier…

Parmi les voies de recherche on peut trouver la nécessité de tester les hypothèses dans un autre contexte, culturel ou sectoriel par exemple.

Conclusion

La conclusion consiste à résumer l’intégralité du travail réalisé, depuis l’introduction jusqu’au voies de recherche en 1 page. Il faut aller à l’essentiel.

Bibliographie

La bibliographie présente l’intégralité des supports utilisés dans le cadre de votre travail. Reportez-vous au consignes données par votre institution pour la mise en forme.

Annexes

Les annexes regroupent tous les supports qui peuvent avoir un intérêt dans la compréhension de votre travail, comme des tableaux de synthèses réalisés par vos soins à partir de la revue de littérature ou des tableaux de résultats qui seraient trop volumineux pour intégrer le cœur de votre rapport.

Attention à numéroter les annexes sans affecter de numéro de page.

Références (ordre alphabétique)

Popper K. (1973), La logique de la découverte scientifique, Karl Popper, Paris, Payot.

Popper K. (1990), Conjectures et réfutations, Karl Popper, Paris, Payot.