Le marketing n’est pas ce qu’on croit. Il est souvent dĂ©criĂ© et on en a souvent une image nĂ©gative. On se focalise sur des techniques de communication perçues comme Ă©tant un habillage ou cherchant Ă tromper les consommateurs. Parmi les outils les plus dĂ©criĂ©s, on trouve la publicitĂ© et les commerciaux. Il faut d’ores et dĂ©jĂ noter ici que la publicitĂ© et les commerciaux ne sont que des outils du marketing que de nombreuses entreprises n’utilisent pas.
Le marketing n’est pas la publicitĂ© ou la vente !
En effet, la thĂ©orie du marketing envisage la publicitĂ© comme “une dĂ©marche d’achat d’espace utilisĂ©e pour promouvoir un produit, service ou marque sur un des grands mĂ©dias publicitaires (TV, Presse, Radio, Affichage, Internet et CinĂ©ma)” (voir dĂ©finition de la publicitĂ©). Hors, il y a de nombreuses entreprises qui n’ont pas les moyens de recourir Ă la publitĂ©. De mĂŞme, de nombreuses entreprises ne font pas appel Ă une force de vente et commercialisent leurs produits via des canaux de vente directe.
Plus largement, de nombreuses entreprises font de la publicitĂ© ou ont un service commercial sans pour autant disposer d’un dĂ©partement marketing en charge de la dĂ©finition et de la coordination des actions commerciales.
Enfin, les entreprises se sont appropriĂ©s le marketing sous la pression de l’environnement et notamment, sous l’influence du pouvoir du consommateur. En effet, comme le souligne Sam Walton, fondateur de Walmart, « le seul vrai patron, c’est le client. Il peut jeter tout le monde Ă la rue, depuis le P-DG jusqu’au manutentionnaire : il lui suffit pour cela d’aller dĂ©penser son argent ailleurs ».
Une perspective historique
Keith, dans un article de 1960 (voir plus bas pour le télécharger), a été le premier à envisager une évolution du marketing en trois ères :
- La production (1870-1930) : L’entreprise se prĂ©occupe essentiellement de la conception du produit et de l’organisation du processus de production. Les ventes se dĂ©veloppent naturellement, en raison d’une demande plus importante que l’offre.
- L’ère de la vente (1930-1950) : L’entreprise est toujours très orientĂ©e vers la production, mais il devient nĂ©cessaire d’avoir recours Ă une force de vente pour faire face au ralentissement de la demande et Ă l’augmentation de la pression concurrentielle.
- L’ère du marketing (à partir de 1950) : Elle correspond à une véritable révolution culturelle dans l’entreprise : la satisfaction des besoins du client prend en effet la place de l’organisation interne de la production à la première place des préoccupations de l’entreprise. Cette nouvelle démarche est rendue nécessaire par le déficit de demande et l’excès d’offre.
L’histoire officielle du marketing considère qu’il est nĂ© aux Etats-Unis vers 1950. Cette position est remise en question par des chercheurs comme le souligne Pierre Volle dans l’article que vous trouverez ci-après.
En effet, on pourrait considĂ©rer que la volontĂ© des commerçants de PompĂ©i de rendre leurs Ă©choppes attirantes ou l’utilisation de signes distinctifs sur les amphores de la Rome Antique constituent les prĂ©misses du marketing.
Vous aurez compris que la bataille fait rage pour identifier les origines du marketing. Laissant ce débat aux historiens de la discipline, nous allons nous maintenant essayer de trouver une définition à ce terme.
Le marketing ne crée pas les besoins, il influence les désirs !
Nombreux sont ceux qui considèrent que le marketing crée des besoins alors que le marketing ne crée pas des besoins mais influence les désirs des consommateurs. Une bonne compréhension du marketing nécessite de distinguer les besoins et les désirs.
Un besoin peut ĂŞtre dĂ©fini comme ” un manque psychique ou physique, qui, non satisfait, se traduit en dĂ©sir, et qui motive une action “ (voir Mercator). La classification la plus connue des besoins est celle de Maslow. Il distingue cinq besoins fondamentaux : physiologique, de sĂ©curitĂ©, d’appartenance, d’estime et d’accomplissement de soi.
Un dĂ©sir, quant Ă lui, est ” la tension vers un objet que l’on se reprĂ©sente comme source possible de satisfaction ou de plaisir “. Le dĂ©sir est le moyen privilĂ©giĂ© par le consommateur pour satisfaire un besoin (illimitĂ©s).
Ainsi, il ne faut pas confondre besoin et dĂ©sir. Le besoin est prĂ©alable au dĂ©sir. Prenons l’exemple d’une personne ayant faim. Son besoin est de se nourrir. Un amĂ©ricain dĂ©sirera certainement plus un hamburger qu’un magret de canard. L’objectif du marketing est clairement d’influencer les dĂ©sirs comme l’explique le Professeur JoĂ«l BrĂ©e.
Des définitions du marketing
Toute tentative de définition du marketing se heurte à cette ambivalence fondamentale car le marketing est à la fois :
- une philosophie des affaires et
- une fonction dans l’entreprise.
L’American Marketing Association (AMA) examine et rĂ©approuve ou modifie la dĂ©finition qu’il donne du marketing tous les trois ans par l’intermĂ©diaire d’un panel de cinq universitaires qui sont des chercheurs actifs.
Depuis 2017, l’AMA dĂ©finit le marketing comme ” l’activitĂ©, l’ensemble des institutions et les processus de crĂ©ation, de communication, de livraison et d’Ă©change d’offres qui ont de la valeur pour les consommateurs, les clients, les partenaires et la sociĂ©tĂ© dans son ensemble “ (DĂ©finition de l’AMA).
De son cĂ´tĂ©, l’Association Française du Marketing (AFM) a adoptĂ© sa dĂ©finition fin 2015 est :
” Le marketing est une vision spĂ©cifique des Ă©changes qui doivent ĂŞtre Ă©quitables et impliquer la crĂ©ation de valeur pour chacune des parties prenantes (individus, organisations, institutions) “ (DĂ©finition de l’AFM).
Selon Kotler et Keller[1], le marketing consiste Ă identifier et Ă rĂ©pondre aux besoins humains et sociaux d’une manière qui s’harmonise avec les objectifs de l’organisation. Selon eux, le marketing management a lieu lorsqu’au moins une partie Ă un Ă©change potentiel rĂ©flĂ©chit aux moyens d’obtenir les rĂ©ponses souhaitĂ©es des autres parties.
Pour Kotler et Keller, ” le marketing management et la science et l’art de choisir des marchĂ©s cibles et d’acquĂ©rir, de conserver et de dĂ©velopper une clientèle en crĂ©ant, en offrant et en communiquant de la valeur “.
Marketing ou Marketing Management ?
Les termes marketing et marketing management sont souvent considĂ©rĂ©s comme interchangeables alors qu’ils recouvrent des idĂ©es bien diffĂ©rentes.
Le marketing dĂ©signe le plus souvent un Ă©tat d’esprit, une culture organisationnelle, un apprentissage des mĂ©thodologies du marketing management, leur respect et leur intĂ©riorisation par l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise.
Le marketing management fait, quant Ă lui, rĂ©fĂ©rence Ă la gestion de l’ensemble complexe des mĂ©thodologies permettant Ă l’organisation d’être et de rester compĂ©titive dans un univers concurrentiel. Ainsi, selon l’AFM, le marketing management dĂ©signe le regroupement des ” pratiques marketing mises en Ĺ“uvre par les organisations, de façon coordonnĂ©e, pour atteindre leurs objectifs “. Ces pratiques comprennent :
- L’étude des différents publics, de leurs besoins, usages, désirs et aspirations ;
- La création d’offres de produits, de services et d’expériences ;
- La diffusion de ces offres dans une perspective marchande ou non marchande.
Le marketing management, un art et une science
Un bon marketeur devra posséder deux compétences pouvant sembler opposées : un savoir et de la créativité.
Envisager le marketing management sous l’angle artistique consiste Ă envisager qu’il faut savoir faire preuve de crĂ©ativitĂ© dans l’analyse des situations ou pour proposer des solutions innovantes qui vont “casser les codes” distinguer l’offre de la concurrence. Ainsi, on appelle souvent les marketeurs Ă “penser en dehors de la boĂ®te” pour proposer des solutions innovantes et rendre l’offre unique aux yeux des consommateurs.
Au Etats-Unis, les publicités diffusées le jour de la grande finale du Superbowl ont la réputation de faire preuve de beaucoup de créativité.
Il faut toutefois prendre des prĂ©cautions car l’originalitĂ© peut se retourner contre soi. Redbull en a fait les frais en Ă©tant condamnĂ© en 2004 après avoir Ă©tĂ© attaquĂ© en justice par un collectif arguant que Redbull ne donne pas remplit pas sa promesse et ne donne pas rĂ©ellement des ailes. RedBull a dĂ» verser 13 Millions de dollars Ă tout consommateur amĂ©ricain demandant dĂ©dommagement entre 2002 et le 3 octobre 2014[2].
Toutefois, il ne faut pas oublier que le marketing est avant tout un savoir sanctionnĂ© par l’obtention de diplĂ´mes et une science qui dispose de revues scientifiques.
La FNEGE propose un classement des revues en Sciences de Gestion : https://www.fnege.org/classement-des-revues-scientifiques-en-sciences-de-gestion/
Choisir des marchés cibles
Un marchĂ© dĂ©signe ” l’ensemble des acheteurs actuels et potentiels d’un produit. Ils partagent un besoin ou un dĂ©sir particulier, susceptible d’être comblĂ© par des relations d’échange “ (Kotler, Gary Armstrong, P. Principes de marketing, 14ème Edition, Pearson France, 2019). Le marketing vise Ă servir un marchĂ© de consommateurs finaux en devançant les concurrents. En choisissant des marchĂ©s cibles, une entreprise choisie donc Ă la fois des clients potentiels auxquels elle va s’adresser en leur proposant une offre mais elle choisie aussi les concurrents par rapport auxquels les consommateurs compareront son offre au sein d’un environnement plus large affectĂ© par de grandes forces environnementales (dĂ©mographiques, Ă©conomiques, physiques, technologiques, politico-lĂ©gales et socioculturelles).
L’approche marketing veillera Ă ce que l’entreprise et son offre occupent une place particulière dans l’esprit des consommateurs afin que ces derniers privilègient ses propositions par rapport Ă celle des concurrents. Cette Ă©tape de choix des marchĂ©s cibles est l’objet principal de la stratĂ©gie marketing.
Acquérir, de conserver et de développer des clients
Les clients sont essentiels Ă la survie d’une organisation car ils lui fournissent des revenus importants. C’est pourquoi le marketing se concentre gĂ©nĂ©ralement sur la satisfaction des clients : “ faites plaisir aux clients et vous attirerez et conserverez leur clientèle ; traitez-les mal et vous les perdrez “.
Toutefois, la mesure utilisĂ©e pour mesurer le succès ou l’Ă©chec de l’organisation doit ĂŞtre envisagĂ©e avec beaucoup de prĂ©cautions.
L’objectif de la gestion de la clientèle est de faire croĂ®tre l’entreprise de manière rentable en acquĂ©rant, en conservant et en dĂ©veloppant les ” bons clients “. La gestion des clients permet aux responsables marketing d’explorer la rentabilitĂ© ou la valeur Ă vie de chaque client pour Ă©clairer les dĂ©cisions d’investissement de l’organisation.
Les organisations peuvent utiliser la Valeur Ă vie du client pour distinguer les clients Ă forte valeur des clients Ă faible valeur et pour concentrer les programmes de marketing sur trois moteurs de la CLV :
- L’acquisition de clients,
- La fidélisation de la clientèle et
- Le développement de la clientèle.
Ă€ la base, la CLV est la valeur actuelle de tous les flux de bĂ©nĂ©fices futurs qu’un client individuel gĂ©nère au cours de la durĂ©e de son activitĂ© avec l’entreprise. Deux dĂ©tails sont importants dans cette dĂ©finition :
- La CLV est basĂ©e sur les bĂ©nĂ©fices et non sur les revenus ; plus prĂ©cisĂ©ment, il est fondĂ© sur la contribution, c’est-Ă -dire les revenus moins les coĂ»ts directs et attribuables. Des mesures telles que la part de marchĂ© tiennent compte du volume ou des revenus, mais ignorent les coĂ»ts liĂ©s au service d’un client. Offrir des prix bas ou des offres intĂ©ressantes peut augmenter les ventes, mais pourrait nuire Ă la rentabilitĂ©. Les clients dont le service est coĂ»teux peuvent ĂŞtre moins rentables, mĂŞme s’ils gĂ©nèrent plus de revenus.
- La CLV est une mesure de la rentabilitĂ© d’un client sur le long terme et est donc dĂ©finie sur la durĂ©e de vie d’un client. Il envisage explicitement la possibilitĂ© que des clients quittent l’entreprise en raison soit d’un service mĂ©diocre, soit d’offres plus attractives de la part de concurrents. Les organisations utilisent donc gĂ©nĂ©ralement un horizon temporel de trois Ă cinq ans pour Ă©valuer la rentabilitĂ© Ă long terme des clients.
Selon Gupta et Lehmann (2004)[3] la Customer Lifetime Value (CLV – Valeur Ă Vie du Client), peut ĂŞtre modĂ©lisĂ©e comme suit :
- Pt = Prix payĂ© par le client durant l’annĂ©e t
- Ct = coĂ»ts direct pour servir le client pour l’annĂ©e t
- rt = taux de rĂ©tention ou probabilitĂ© que le client rĂ©pète son acte d’achat ou soit encore « vivant » durant l’annĂ©e t
- AC = CoĂ»ts d’Acquisition du client
- i = taux d’actualisation ou coĂ»t du capital pour l’entreprise
- t = année
La LTV permet de :
- Projeter une valeur d’une clientèle Ă travers le temps
- Stimuler le comportement d’achat sous des hypothèses de politiques de recrutement et de fidélisation différentes (Calciu et Salerno 2002[4])
Créer, offrir et communiquer une valeur client supérieure
L’objectif du marketing management est de dĂ©velopper une offre qui apportera aux consommateurs une valeur supĂ©rieure Ă celle proposĂ©e par les concurrents.
Dans la perspective du consommateur, la notion de valeur désigne la différence entre la valeur globale perçue (bénéfice fonctionnel ou symbolique) et le coût total.
Dans la perspective de l’entreprise, la notion de valeur peut ĂŞtre envisagĂ©e comme la satisfaction des besoins par rapport aux coĂ»ts Ă supporter pour les satisfaire. L’analyse de la valeur est une mĂ©thode d’optimisation d’un produit Ă©galement utilisable dès la conception dont le but est de permettre le dĂ©veloppement de produits dont les fonctions permettront la satisfaction des besoins des clients tout en respectant un coĂ»t cible dĂ©fini au prĂ©alable. L’afnor a formalisĂ© cette mĂ©thode d’analyse dans la norme NF 50 151.
Il est important de noter que la valeur perçue n’a pas de lien direct avec la valeur rĂ©elle ou coĂ»t de fabrication et n’est pas non plus forcĂ©ment monĂ©taire. Elle est toutefois très importante pour la fixation du prix.
Selon Almquist et Senior (Almquist Eric et Senior John (2017), Les éléments de la valeur, Harvard Business Review), les produits doivent apporter dess éléments de valeur fondamentaux qui répondent à quatre sortes de besoins : fonctionnels, psychologiques, transfigurateurs et sociaux. En général, plus les éléments fournis sont nombreux, plus les clients sont fidèles et plus la croissance du chiffre d’affaires de l’entreprise est forte.
Une des prĂ©occupations centrales des marketeurs rĂ©side dans l’identification des Ă©lĂ©ments auxquels les consommateurs apportent de la valeur. L’Ă©tude et la comprĂ©hension du comportement des consommateurs sont donc des facteurs clĂ©s de rĂ©ussite des stratĂ©gies et opĂ©rations du marketing.
L’entreprise doit également définir de quelle manière elle se propose de servir les clients ciblés, comment elle entend se différencier et se positionner sur le marché. La proposition de valeur de l’entreprise est l’ensemble des avantages ou des valeurs qu’elle promet d’apporter aux consommateurs afin de satisfaire leurs besoins.
La valeur sera offerte et communiquer auprès des consommateurs par l’intermĂ©diaire des moyens opĂ©rationnels du marketing.
La démarche marketing
Avant toute autre chose, le marketing est avant tout une démarche en cinq étapes. Les quatre premières consistent, pour l’entreprise, à comprendre le marché, à apporter de la valeur aux clients et à bâtir avec eux des relations solides. La dernière a pour objectif de capter la valeur produite en retour par les clients (l’entreprise retire de la valeur par celle créé pour ses clients par le biais des ventes, des bénéfices et du capital client accumulé sur le long terme).
Dans la suite de ce cours, nous nous attacherons à analyser chacune des étapes de cette démarche.
[1] Kotler, Philip & Kevin Lane Keller (2021), Marketing Management, Global Edition, (16th Edition). Pearson International Content.
[2] https://www.lexpress.fr/styles/saveurs/red-bull-donne-des-ailes-13-millions-de-dollars-pour-publicite-mensongere_1610136.html.
[3] Gupta, Sunil, Donald R. Lehmann, and Jennifer A. Stuart (2004), “Valuing Customers,” Journal of Marketing Research, 41 (February), 7–18.
[4] Calciu M., Salerno F. (2002) , Customer value modeling : Synthesis and extension proposals, Journal of Targeting, Measurement and Analysis for Marketing, 11, 124-147.